Un projet gigantesque

Le mercredi 1er décembre à Ankara, Veysel Eroglu, le ministre turc de l’environnement a annoncé la construction d’un canal sous la mer.

le ministre turc de l’environnement,Veysel Eroglu a annoncé que la Turquie projette de construire un canal sous la mer qui transportera  l’eau et relier Alakioprou, ville en Turquie à  un barrage de  Kerynia, ville au côté nord de chypre.

Lors d’une conférence de presse, il a déclaré que la construction du canal a déjà commencé en Turquie et qu’elle s’achèvera dans quatre ans.

Selon le ministre turc, dans six mois la construction débutera au côté occupé à Panagra. Le projet coûtera 400-500 millions lires turques soit 200-250 millions d’euros. Il a aussi annoncé que le canal aura 107.2 km de long, et 75 m3 de capacité d’eau à 250 mètres de profondeur.

A une question qui lui a été posée lors de la conférence, si ce projet inclura la partie grecque au sud de l’île, le ministre répond « c’est au gouvernement de décider, s’il y a la paix, pourquoi pas ?’’

Chypre est divisée depuis 1974 suite à l’intervention militaire turque. En 2004, l’île entière adhère à l’Union Européenne.

Interview sur la Turquie et l’Europe avec Gilles Bertrand @ la chypriote

Giles Bertrand, Professeur à Sciences-po, Spécialiste Turc

Après plusieurs processus d’adhésion de la Turquie dans l’Union Européenne, le mois de Décembre sera très important il marquera la date-limite fixée par le parlement européen pour la mise en œuvre du protocole d’Ankara. Erdogan le premier ministre et dirigeant de l’AKP, doit faire ses preuves, c’est à dire tenir l’équilibre entre les institutions et l’armée. Si l’Europe est contre l’adhésion, quel sera l’avenir d’Erdogan ?

G.B Il perdra de sa crédibilité. Son parti risque de se radicaliser et les réformes, notamment dans le sens de l’alignement sur les standards européens, de s’interrompre pour longtemps.

Les débats qui se tenaient entre la Turquie et l’Europe étaient d’ordre géographique, culturel, économique, politique, de nos jours la question est plutôt centrée autour de l’identité européenne en Turquie. Pensez vous que l’Europe est en quête de sa propre identité ?

G.B Les dirigeants politiques européens actuels jouent trop de la rhétorique de l’identité, c’est dangereux. L’Europe réunit des peuples et donc des individus aux identités diverses et parfois plurielles. Vouloir construire l’Europe sur une identité particulière chrétienne voire blanche, est une erreur que nous payerons un jour ou l’autre, car cela risque de raviver ce que Freud appelait « le narcissisme des petites différences ».

Plusieurs rencontre entre le président chypriote grec Christofias et le président chypriote turc Mehmet-Ali Talat se déroulent en ce moment même pour une solution sur la question chypriote plus juste et viable, pensez vous qu’une réunification de l’île est alors possible ? Qu’est ce que l’identité chypriote pour vous ?

G.B La réunification de Chypre est possible à condition notamment que les élites politiques de part et d’autre du mur fassent preuve de bonne volonté et acceptent de partager le pouvoir. L’identité chypriote repose sur un héritage culturel commun, un vivre-ensemble multiséculaire. Ce qui divise le plus, c’est la religion dès lors que l’identité religieuse est manipulée à des fins politiques. Si la religion devient une affaire privée, comme c’est le plus souvent le cas en Europe, alors il faut être optimiste pour l’avenir d’une république de Chypre unie.

Comment expliquez-vous que seule la Turquie reconnaisse la  »République Turque de Chypre Nord » ?

G.B Cette entité est le résultat d’une opération militaire turque et n’a aucune légitimité.

L’armée Turque est toujours stationnée à Chypre alors qu’il lui est impératif pour son adhésion de se retirer du territoire pourquoi ne le fait-elle pas ? Et pourquoi n’ouvre t’elle pas les ports et les aéroports ?

G.B L’armée turque avait acceptée, dans le cadre du plan Annan, de se retirer graduellement de Chypre (2011, 2018). Le plan a été rejeté par les Chypriotes grecs. Le gouvernement turc garde le retrait comme carte dans la négociation en cours. Idem pour l’ouverture des ports et des aéroports, qui implique la reconnaissance par la Turquie de la république de Chypre. Le gouvernement turc garde cette carte pour la négociation sur la réunification de l’île.

Lorsque Obama a rendu visite à Erdogan, il lui a dit que la Turquie devrait être un modèle du monde islamiste, est-il possible de combiner Islam, Europe, et Etats-Unis ?

G.B L’islam est déjà en Europe : la Grèce compte environ 100 000 musulmans turcophones, sans parler des migrants, la Bulgarie compte, elle, 1 million de turcophones, eux aussi musulmans. Je ne parle même pas de l’Europe de l’Ouest (plusieurs millions de musulmans). Sont-ce les musulmans qui font obstacle à l’approfondissement de l’UE ? Non, ce sont notamment des partis qui se méfient ou rejettent les musulmans ?

La Turquie a récemment normalisé ses relations avec l’Arménie suite à la signature d’un Accord de paix, pourquoi n’a t’elle toujours pas reconnue le génocide arménien ? Cela pourrait-il être un obstacle pour son adhésion à l’Union Européenne ?

G.B Je crois qu’il s’agit d’une carte dans la négociation. C’est une question complexe. Il faut penser que des générations de Turcs ont appris à l’école que les Arméniens avaient commis des massacres contre les Turcs, et non l’inverse. Il faut laisser les Turcs « digérer » l’histoire du génocide, sans bien sûr croire que tout le monde va accepter la réalité historique sans broncher.


G.B  Le fait que le président irakien soit un Kurde ferme la porte à la création d’un Kurdistan irakien indépendant, et diminue le risque d’explosion régionale sur cette question.

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